Origine et histoire du site préhistorique
Le gisement paléolithique de la Quina est un site préhistorique situé en Charente, dans la commune de Magnac-lès-Gardes; il s’étend sur près de 700 mètres et comprend deux secteurs généralement appelés station amont et station aval, occupés au Paléolithique moyen (Moustérien) et au début du Paléolithique supérieur (Châtelperronien, Aurignacien). Le site se développe le long du Voultron, où des escarpements et des falaises bordent le cours d’eau et ont livré les deux stations initialement désignées station nord et station sud puis renommées amont et aval. Gustave Chauvet a découvert et fouillé le site dès 1872, décrivant des niveaux moustériens, des occupations néolithiques et une station magdalénienne lors des travaux liés à l’élargissement de la route, et ses observations ont été complétées par les fouilles de Philippe Ramonet et d’autres chercheurs. Les gisements ont été acquis en 1905 par Léon Henri‑Martin, qui y a mené des campagnes de fouilles de 1906 à 1936; sa fille Germaine Henri‑Martin a poursuivi les recherches de 1953 à 1965, et de nouvelles fouilles ont repris à partir de 1985 sous la direction de A. Jelinek, A. Debénath et H. Dibble. Le site a été classé au titre des monuments historiques par arrêté du 14 février 1984.
La station amont a essentiellement livré une industrie du Moustérien, en particulier le faciès dit « Moustérien de type Quina », caractérisé par l’abondance de racloirs convexes à retouche écailleuse scalariforme sur éclats courts et épais, la « retouche Quina ». La séquence moustérienne culmine par un niveau attribué au Moustérien à denticulés, daté par thermoluminescence à 43 000 ± 3 600 ans BP. Les niveaux moustériens contiennent de nombreux restes fauniques — grands bovidés, cheval, renne — présentant parfois des traces d’action anthropique telles que fractures, stries de découpe ou utilisation comme retouchoirs, observations documentées par L. Henri‑Martin. Henri‑Martin a aussi étudié des pièces osseuses façonnées, notamment des os iliaques de bisons et de chevaux dont les cavités cotyloïdes ont été aménagées, objets interprétés comme bols ou louches par comparaison avec des trouvailles mieux préservées sur d’autres sites. Le gisement a livré les restes de vingt‑sept individus attribués à Homo neanderthalensis; au moins un individu a bénéficié d’une sépulture primaire mise au jour en 1911 (dénommé La Quina 5) et un enfant d’environ huit ans a été identifié (La Quina 18).
La station aval, située dans la partie occidentale du gisement, est caractérisée par des éboulements du bord de la voûte et de la falaise, qui ont formé une « digue » d’éboulis et des nappes d’effondrement; entre ces formations, un chenal ou caniveau a été préservé des apports d’éboulis. Dans cette zone, la tranchée dite « Z » fouillée par Léon Henri‑Martin entre 1922 et 1930 a mis en évidence plusieurs niveaux aurignaciens typiques (couches 1 à 3), la couche 3 contenant des pointes de sagaies à bases fendues et des foyers, et une couche sous‑jacente (couche 4) où apparaît une industrie châtelperronienne présentant des affinités avec le Moustérien à denticulés. Les dépôts du caniveau montrent une stratification à peu près horizontale, tandis qu’en avant du site la couche supérieure s’est déposée selon un plan incliné sur la pente de l’éboulis.
Parmi les collections liées à La Quina, plusieurs racloirs moustériens et retouchoirs sont conservés au Muséum de Toulouse; des dessins et des pièces remarquables, notamment de grands racloirs, ont été publiés et exposés au XIXe siècle par des chercheurs tels qu’Émile Rivière et Philippe Ramonet. Les travaux anciens et récents ont fait de La Quina une référence pour l’étude du Moustérien, des relations stratigraphiques entre niveaux moustériens et industries supérieures, et pour la connaissance des populations néandertaliennes dans la région.
